Demandes de rôle

Dans sa jeunesse, il était comme tout un chacun, un peu stupide, toujours innocent, le sourire au lèvre, une joie de vivre qui le fuirait bien assez tôt et une témérité qui brillait par son absence. Lors qu'il ne jouait pas avec les jeunes plébéiens, il se promenait dans les endroits inhabités de la basse-ville, il se promenait seul, le vague à l'âme et l'imagination en ébullition.
Son intelligence, sa curiosité et son imagination venaient de deux choses principalement. D'une part la machinerie vivante qui offrait son pouvoir à Tsel en bas de sa fenêtre et d'autre part les théories fumeuses que son père, Balthazar Avédis, lui racontait sur l'Avant. Toutes différentes les unes des autres, sans fonds ni forme mais qui avait dont d'amuser toute la famille. Il arrivait souvent que pendant les maigres repas toute le monde y aille de son idée, faisant avancer encore et encore ce passé imaginaire.

Danse ! Danse olarile, vibrante, élégante, maîtresse des regards, des sensations de tes frères et sœurs. Danse fille d’Hégoa, dévoile-nous ce qu’il y a à savoir de notre culture, de nos cœurs frémissants sous un même ciel étoilé ! Danse Luminara, sous l’impulsion d’un zéphyr familier, et emporte-moi. Loin…

Ils sont tous réunis. Edorta, Hirune, Astar, Pelegon, Alagareth, et bien d’autres encore. Leurs traits se devinent, illuminés de temps à autres par une torche aux flammes déployées par le vent. Ils rient, s’extasient devant le spectacle. Mais aux yeux de Varvara Edorta, cet ensemble ne laisse qu’un arrière goût d’hypocrisie prononcée. Du haut des gradins, elle aperçoit la pierre, le bois malmené par la corde et le métal, et les armes, pendantes dans leurs fourreaux de cuir, de ferronnerie. Elle reconnaît certains de ses propres ouvrages autour des cous féminins, et pourrait s’enorgueillir de n’en faire aucune discrimination selon les familles.
Oh oui, elle pourrait se targuer d’être un exemple de tolérance, à la manière de Lysandre Hirune, qui malgré tous ses efforts de conciliation, se voit ce soir dans l’obligation de discourir devant une assemblée en apparence unie, mais qui n’est toujours pas capable de prendre du plaisir sans ses outils de mort à portée, sans la ségrégation des gradins selon le clan d’appartenance.

Uniformistes et simples d’esprit. Ainsi sont jugés ceux qui, comme Varvara, voudraient aliéner le mal de leur communauté. Incapables de raisonner, enclins à la mièvrerie… On ne les entend pas, on ne les voit pas. Ils sont présents, mais leurs esprits portés vers l’horizon ne captent rien d’autre qu’un silence éloquent. A leurs pieds, un sang chaud se mélange lentement aux exhalaisons de la terre foulée, aliénante, monopolisatrice de valeurs qui pourtant, pourraient s’élever. Seul l’espoir, une infime espérance de paix, pousse ces idéalistes à avancer. Idéalistes ? En réalité, non. Clairvoyants ? Sans nul doute…

Il est un univers que seuls ceux qui ont été touchés par les anges sont capables d’entrevoir. Un univers coloré, où se mêlent les parfums printaniers et les exhalaisons de cadavres putréfiés. Aux doux souvenirs de clameurs enfantines succèdent les chimères d’une vieillesse consommée, à moins que ce ne soit l’inverse.
Rares sont les élus du divin qui parviennent un jour à écourter l’entrevue pour enfin connaitre la vue. Car le chemin qui mène à la pleine conscience de cet univers est soumis à un obstacle dont les serpes étreignent les assaillants jusqu’à l’oubli.


L’oubli de soi, l’oubli de l’essence des hommes : La folie.


A ceux qui comme moi sont parvenus de l’autre coté, je dédis ces quelques lignes. Plus qu’un testament ésotérique, elles présentent mon parcours, mon existence dans un monde bipolaire. Et la manière avec laquelle j’ai apprivoisé ma propre folie, pour offrir aux hommes un semblant de vérité.